"Levy, nous n'avons pas les mêmes gènes"
Je considère que la blogothérapie est la plus efficace et la moins chère des thérapies douces. Elle ne nécessite pas de mettre la main à la poche pour payer un psychanalyste hors de prix, elle me donne la possibilité d'exprimer ce qui m'habite (ce qui la distingue des théories freudiennes qui me conduiraient à parler de m’habite), et enfin, les internautes font bien, en général, leur travail d'analystes. En cela elle s'apparente à la logothérapie (voir mon article sur Frankl).
Donc aujourd'hui je vais vous parler de moi.
J'occupais, il y a quelques années de cela, le poste de Directeur de publicité du budget McDonald's dans une Agence de publicité parisienne (TBWA ex BDDP). J'étais entouré d’une vingtaine de Chefs de Pub pour gérer ce budget conséquent, et je dépendais hiérarchiquement de l'un des fondateurs de l'Agence, en l'occurrence le P de BDDP; excellent professionnel, qui fait depuis, une carrière éblouissante aux plus hauts niveaux de McDonald's.
C'était un boulot passionnant et bien payé, qui me posait néanmoins un petit problème : en effet, j'étais prêt à faire vendre le plus de hamburgers possibles, j'étais payé pour ça, mais je n'avais aucunement l'intention de les manger. Pour votre information ce n’est pas trop cacher, surtout le McBacon.
Par ailleurs, à l'époque où les 35 heures n'existaient pas, même à l'état de rêve, je dirigeais mon équipe, qui ne comptait ni sa peine, ni son temps, avec "humanité". Ce qui me fut reproché par P. "tu es trop humain avec tes gars". C’est vrai que je n’aime pas trop la Shlag, ça me rappelle des souvenirs.
Mes rapports avec les représentants des franchisés McDonald's et avec P. commencèrent à se détériorer. Précision: le seul qui avait l'air d'accepter mes contraintes était le président américain de McDo France.
Un jour comme il fallait s'y attendre, je fus convoqué par P. qui m'annonça que notre collaboration prenait fin. Et sans que je ne lui demande rien, il me dit : "nous n'avons pas les mêmes gènes". Je m'attendais à tout sauf à ça. Il aurait pu me traiter d'incapable, de bon à rien.... Non, c'était un problème génétique. Je lui demandai donc de me le signifier par écrit, ce que bien entendu, il refusa de faire.
Comme j'étais très attaché à McDonald's, je proposai au Vice Président de McDo, à l'époque, juif marocain de surcroît, de prendre un restaurant McDo en franchise, à la condition de ne pas être obligé de manger ma production. Ca ne s'est pas fait.
J'acceptai donc la transaction financière qui me fut proposée par l'Agence et partis faire mon paquetage pour retourner en Israël, là où j'avais une chance raisonnable de porter les mêmes gènes que les autres. Ma carrière dans la Publicité en France avait pris fin, définitivement.
Depuis je rumine, comme les vaches, cette histoire de gènes que je n'ai jamais digérée. J'aurais du casser la figure à P. mais outre le fait qu'il faisait une tête de plus que moi, je n'y ai même pas pensé sur le moment.
Petit à petit suis arrivé à la conclusion que P. avait peut-être raison. Nous n'avions pas les mêmes gènes, lui et moi. A l'époque, d'autres juifs travaillaient ou avaient travaillé dans la même Agence mais ils étaient ce que j'appellerai des juifs opaques ; leur judaïté ne transparaissait pas, alors ils étaient considérés comme génétiquement acceptables.
Il est possible que mon limogeage se justifie pour d'autres raisons mais le "nous n'avons pas les mêmes gènes" me fait bouillir de rage, bien des années après.
Ce qui est étrange c'est que je n'arrive pas à en vouloir totalement à P. Je dois être atteint du syndrome de Stockholm. Vous savez, là où les victimes s'attachent à leurs ravisseurs. Peut être que la différence de gènes est réelle, que les gens qui présentent des gènes différents ne peuvent pas cohabiter ou même fonctionner ensemble ?
Depuis, les choses ont bien évolué. McDonald's a introduit des sandwichs Hallal dans ses restaurants, et on est beaucoup plus tolérant avec les génétiquement incompatibles.
J’ai néanmoins envie de terminer cet article par un jeu de mots imbécile mais qui résume bien la situation :
quand y-a du gène, y-a pas de plaisir !