Négritude et Judéitude; à Dieu Aimé Césaire.

Sartre en 1948 dénonce la chosification par le regard de l’autre, qui rejoint la pensée de Césaire, en l’amplifiant et en la rendant universelle.
La chosification de l'homme, théorisée par Sartre, a conduit depuis des millénaires à l’esclavage, dont les Noirs n'avaient pas le monopole, bien qu'ils en aient payé un lourd tribut, mais elle a conduit aussi aux Chambres à gaz, qui ne posaient pas de problèmes de conscience aux Nazis car exterminer des "choses nuisibles" ne pouvait pas porter à conséquence.
A ce titre la Négritude et la Judéitude se rejoignent. Dans les deux cas de figure l'homme réel est remplacé par son stéréotype: le nègre au nez aplati est bestial et le juif au nez crochu est démoniaque.
Qu' à cela ne tienne, Aimé Cesaire a revendiqué avec courage sa Négritude, et, avec ses pairs, a largement contribué à lui donner ses lettres de noblesse. Ses frères en couleur lui doivent une fierté retrouvée, et avec eux, d'autres minorités "chosifiées".
La Judéitude, à l’instar de la Négritude, est une forme d' identité différenciante, qui se veut à la fois spécifique et universelle.
Par contre il existe des différences sensibles entre Négritude et Judéitude
- Il est plus facile de cacher que l'on est Juif que Noir. En effet un juif honteux traverse la foule en cherchant à s'y identifier , alors qu'il ne peut exister de Noir honteux. Trop visible.
- Un juif n'a pas besoin d’inventer la Judéitude; elle existe depuis des millénaires, alors que Aimé Césaire et ses pairs, ont été amenés à en définir les contours; ce qui augmente d'autant leurs mérites.
Un Juif a le choix de revendiquer sa Judéitude, avec les avatars qu'elle comporte et ses contraintes, ou à s'y soustraire. C'est sans doute pour cela que D. ne l'a pas fait noir, lui donnant en cadeau le libre arbitre de la revendiquer ou de la rejeter.
Aimé Césaire surnommé "le nègre fondamental" a lutté avec vaillance toute sa vie contre les stéréotypes qui ont colonisé non seulement des hommes mais également des consciences. Il n'était pas grand mais c'était un géant.
Pour preuve voici un extrait d'un poème rapporté par le rabbin Gabriel Fahri :
" Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif, un homme-cafre, un homme-hindou-de-Calcutta, un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas, l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture. On pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir de compte à rendre à personne, sans avoir d'excuses à présenter à personne, un homme-juif, un homme-pogrom, un chiot un mendigot."