Sarkozy, Assad, et la fascination de l'Orient.
La fascination pour l'Orient ne date pas d'hier; surtout de la part des hommes politiques français. Sans remonter à Napoléon et aux pyramides, rappelons seulement la fascination du sieur Chirac pour feu Saddam Hussein, de sinistre mémoire, pour Harriri et consorts, et pour tous les cheikhs enkéffiés qui sont si pittoresques avec leur poignards courbes, sertis de diamants et... leurs pétro-dollars. Notre Sarkozy national ne déroge pas à la règle. C'est vrai que l'on parle mieux avec Dieu dans le désert. Aussi, il a décidé de laisser sa marque dans cet Orient si compliqué, mais si fascinant.
Après le désert lybien et son inénarrable guide Khadafi, Sarkozy a multiplié les déplacements, privés ou officiels, à Pétra en Jordanie, au Maroc, en Tunisie et que sais-je encore, je ne le suis pas à la trace. Ayant bien étudié le problème et constatant que les Chefs d'Etat de notre époque, à commencer par Bush l'espiègle, ne sont décidément pas à la hauteur de leur mission historique, il a décidé de commencer par le commencement, à savoir unifier les rives de la Méditerranée. Vous savez, celle de Tino Rossi, "aux rives d'or ensoleillées, ses rivages sans nuages, Tra la la". D'où l'idée magistrale de l'Union pour la Méditerranée, ou quel que soit le nom qui sera retenu.
Paradoxalement, le principal opposant à l'idée est son pote et premier invité officiel en France , Mouamar Khadafi. Cet homme fier, déclare, qu'il n'a pas besoin de la sollicitude des pays européens nordiques, que les arabes ne sont pas des chiens à qui l'on jette des os. Qu'ils ont assez de fric pour ne pas avoir à faire la manche. Et il a raison.
Mais quand Sarkozy tient un os, il ne le lâche pas. Assisté par Kouchner, l'aventurier, et son Quai d'Orsay, qui sait ce que Orient veut dire, il multiplie les contacts avec les principaux protagonistes de l'Orient compliqué dont on a parlé plus haut. A commencer par des entretiens, informels bien sûr, avec le Hamas, ce Mouvement révolutionnaire, mais combien respectable, puisqu'il est sorti des urnes. C'est normal, car géopolitiquement parlant, la bande de Gaza longe la Méditerranée.
La rive sud de la Méditerranée; à savoir Maroc, Tunisie et Algérie, étant, à priori acquise à la cause, il poursuit ses tentatives de séduction vers l'est. Et quelle meilleure cible que le Liban. Mais pas n'importe quel Liban: un Liban pacifié, uni, fraternel, où le loup et l'agneau, pardon les Druzes, les Chrétiens, les Chiites, Seniora, Nassrallah, le Général et Président Michel Suleiman, broutent ensemble, l'herbe verte des plaines de la Bekkaa, où poussent des jolies fleurs qui font tourner la tête. Sarkozy part donc à l'assaut du nouveau Liban, qui sera pour lui un partenaire précieux, dans son projet méditerranéen. Oublié le droit de veto du Hezbollah à toute initiative parlementaire qui ne serait pas à son goût, oubliée l'armée libanaise qui a fait allégence aux chiites, oubliée l'influence syrienne, qui considère que le Liban n'a jamais constitué un Etat indépendant, depuis l'époque de la Grande Syrie. Ces tracasseries mineures n'empêchent pas Sarkozy de faire un voyage éclair, mais combien symbolique au pays du cèdre. Il n'y va pas tout seul, d'ailleurs, mais accompagné par les fidèles et les opposants. Hollande, Buffet, Bayrou, pris au piège, le suivent du bout des lèvres, mais le suivent quand même. L'union sacrée pour une cause sacrée, et consacrée à une cause qui les transcende tous.
Veni, Vidi, mais pas encore Vici, car voilà, il manque un larron à la fête: Bachar-El-Assad, le vrai patron du Liban, n'assiste pas au déjeuner. Qu'à cela ne tienne, on va l'inviter à Paris, assister au défilé du 14 Juillet, et comme le défilé commence de bonne heure, il arrivera la veille ou l'avant veille, histoire de participer à la Conférence de Paris qui traitera des rives ensoleillées de la Méditerranée. CQFD. Peut-être que Moubarak se joindra à lui, et ainsi, tous les riverains seront là, prêts à ratifier un avant Traité, ou n'importe quel chiffon de papier qui fera date.
C'est vrai qu'il manquera un invité, de seconde zone, à la conférence de Paris du 13 Juillet: Israël. On va l'inviter, mais sans l'inviter vraiment, parce que si on l'invite, alors les autres ne viendront pas. Qu'à cela ne tienne, Sarkozy a trouvé la parade: il va organiser une réunion historique entre Assad et Olmert. Une poignée de main franche et vigoureuse, quelques bons clichés, et le tour est joué. Ca a quand même plus de gueule que la médiation turque entre la Syrie et Israël, où les photographes sont interdits de séjour.
Bien sûr, il reste un problème non résolu: c'est la visite programmée depuis des lustres de Sarkozy en Israël. Elle doit avoir lieu le 22 Juin. Moi, à sa place, je l'annulerai, parce que ça fait désordre. D'une part, aller en Israël pour discuter avec un dirigeant en bout de course comme Ehoud Olmert, ça n'a pas de sens, et d'autre part, ce déplacement présidentiel risque de jeter une ombre sur la conférence de Paris, à laquelle notre président tient tant. Sachant que Sarkozy a l'habitude de suivre mes conseils, je suis convaincu que la visite sera reportée aux calendes arabes.
Ca m' attriste un peu, parce que je pensais que Sarkozy était un ami sincère d'Israël, et qu'entre amis, on a l'habitude de se rendre visite. Mais quelque part, je le comprend: ce qui le meut, ce sont les intérêts supérieurs de la France, or la France manque cruellement de pétrole et risque d'en manquer encore plus. Si l'on veut éviter une explosion sociale parce que le litre d'essence vaudra aussi cher qu'un litre de rouge ou un paquet de cigarettes, alors on a intérêt à anticiper et créer des liens fraternels avec les fournisseurs.
Alors, Israël peut attendre, et même attendre longtemps, la visite de Sarkozy. Mais après tout, l'attente ça nous connaît. C'est dans nos gènes.
Je ne vais pas abuser de mes conseils à notre président, néanmoins j'aimerais lui faire remarquer, que tous ceux qui ont tenté de changer, pacifiquement, quoi que ce soit dans cet Orient incompréhensible, se sont, au pire, cassé les dents, ou, au mieux, ont perdu leur temps et notre argent. Observez une Condoleeza Rice qui s'est démenée comme une poule saoule, sans aucun résultat. Les exemples abondent. L'Orient comporte une pesanteur qui échappe aux lois de la physique. Seul le temps est une variable à prendre en compte, à la condition de ne pas être pressé. Or pour Sarkozy, ça urge. Donc, c'est perdu d'avance.