Les deux Jésus
La géopolitique biblique, pour mériter son nom, doit aussi se pencher sur des personnages ou situations antérieures à Ahmadinejad et consorts; je vais donc vous entretenir aujourd'hui du (faux) mystère des deux Jésus.
En 1769, Rabbi Heilprin publie le "Sédér Hadorot", qui comprend une chronologie d'événements et de personnages, depuis la Création du monde lorsqu'en 1696. Il est le premier des rabbins généalogistes à rapporter les origines des grandes familles rabbiniques et en particulier les Tanaïm et les Amoraïm. Cet ouvrage fait autorité, et trouve sa place dans toutes les bonnes bibliothèques. Il permet notamment de lister et dater les Sages qui ont reçu – Kabbala - la tradition de leurs prédécesseurs, tels qu'il sont mentionnés dans les Pirkei Avot.
On va s'intéresser à Rabbi Yéoshoua Ben Pera’hia, qui nous a laissé la fameuse maxime "Assé lekha rav .... " Fais-toi un maître et achète un compagnon d'étude et juge tout homme selon la balance de son mérite. Ben Pera’hia était associé dans la chaîne de transmission à Nathan Haarbéli; la coutume voulait que la transmission se fasse à cette époque par pair de rabbins.
Ben Pera’hia a vécu du temps du roi Yanaï II soit Alexandre Yanaï, qui détestait cordialement le Hakhamim, au point d'en massacrer un grand nombre. Pour échapper à la tuerie, il s'enfuit de Jérusalem.
A la page 107/2 du Traité Sanhédrin , on raconte une étrange histoire, qui aura des conséquences tragiques pour les 2000 ans à venir. Je vous rapporte une traduction, extraite de mon roman: "Mon âme pour un baril".
« C’était du temps du roi Yanaï qui massacra les ‘Hakhamim, Rabbi Yéoshoua Ben Pera’hia et son élève Yeshou s’enfuirent à Alexandrie, qui est en Égypte. Lorsque la paix fut revenue entre le roi et les ‘hakhamim, Shimon ben Shata’h (éléve de Yéoshoua Ben Pera’hia) envoya une lettre à Rabbi Yéoshoua ben Pera’hia lui demandant de revenir à Jérusalem qui s’était vidée de ses Sages et se languissait d’eux. Ben Pera’hia plia bagages et se mit en route pour Jérusalem accompagné de Yeshou. En chemin, ils s’arrêtèrent dans une auberge, où le Sage fut reconnu et grandement honoré. Ravi par cet accueil, Ben Perah’ia s’adressa à Yeshou : “Comme elle est belle cette auberge”, lui dit-il. “Pas tant que ça lui, répondit Yeshou, l’aubergiste a des yeux trop étroits.” “Mécréant que tu es, c’est donc de cela que tu t’occupes, à regarder une femme mariée.” Ben Pera’hia fit sonner quatre cent cornes de bélier et le mit au ban de la communauté. Maintes fois, Yeshou revint devant son Maître, repentant, pour qu’il revienne sur sa sentence, mais sans résultat. Un jour, Yeshou se présenta de nouveau devant Yéoshoua, qui était enfin décidé à accepter sa repentance. Le Maître était en train de prononcer la prière du Chema Israël et par conséquent ne pouvait répondre à Yeshou. Il fit signe avec la main à son élève de patienter jusqu’à ce qu’il termine sa prière. Mais Yeshou ne comprit pas le sens du signe et l’interpréta comme un refus de lui pardonner. Il pensa : “Mon Maître de nouveau me rejette”. Il partit, prit une brique et se prosterna devant elle. Plus tard, Ben Pera’hia lui dit : “Reviens !”, ce qui signifie abandonne tes mauvais penchants et reviens vers une autre conduite. Yeshou lui répondit : “N’est-ce pas toi qui m’a appris que celui qui péche et fait pécher les autres, on ne lui permet pas de revenir ?”
même page, plus loin :
— Le Sage dit : “Yeshou se livra à de la sorcellerie, incita les autres à pécher et fit tomber Israël, on ne peut lui permettre de revenir (faire téchouva).” Rabbi Shimon ben Eléazar ‘holék ne partage pas l’avis du Sage. “Il faut, dit-il, que la main gauche repousse et la droite rapproche.” Sous entendu, si Ben Pera’hia s’était montré un tant soi peu plus souple, Yeshou n’aurait pas pris un mauvais chemin.
En page 103, toujours du Traité Sanhédrin, il est également question de Yéshou, qualifié cette fois de Hanotsri, qui veut dire soit de Nazareth soit le Nazaréen.
Le problème avec l'épisode de l'auberge, telle qu'elle est décrite dans le Talmud, est qu'elle se passe en l'an 3704 après la création du Monde. Yéshou, d'après le Sédér Hadorot, avait alors 33 ans ce qui signifie qu'il serait né en l'an 3671.
Ce point pourrait apparaître comme un détail sans importance aucune, d'autant plus que la datation est hébraïque, donc incompréhensible. Il n'en est rien, parce que le Jésus auquel se réfèrent les chrétiens serait né en l'an 3761 ou 3760, qui correspond à l'année 0 de la chrétienté, et que, par conséquent le Yéshou dont parle le Talmud serait né 90 ans plus tôt (– 90 av JC )
Le Yéshou Hanotsri, cité par le Talmud, dont on dit tant de mal, ne peut donc, en aucun cas, être le Yéshou des Chrétiens. Ce dernier a vécu au temps de Rabbi Shimon ben Hillel, juste après Hillel et shamaï.
Ne croyez surtout pas qu'il s'agisse d'un scoop et que le sois le seul à avoir fait cette découverte . Déjà au Moyen-Age, le rabbin Yéhiél de Paris, déclare qu'il n'y a aucun rapport entre l'élève de Ben Pera’hia et Jésus de Nazareth. Tous les calculs sérieux arrivent à la même conclusion.
Donc, il y a bien eu deux Jésus. Si la Hiérarchie catholique n'avait pas expurgé le Talmud et le Midrach de toutes les références ou pseudo références au Nazarééen, cette vérité aurait déjà été intégrée depuis des siècles. En effet, même si la date précise de la naissance du jésus des Chrétiens souffre d'imprécision, la marge d'erreur ne peut pas être de 90 ans, ne serait-ce qu' à cause des autres personnages qui sont cités, tels Ponce Pilate.
Je me suis contenté de vous livrer des faits. Quant aux conséquences de cette confusion, libre à chacun de lui donner sa propre interprétation, et/ou de refaire les calculs.
La question que l'on peut se poser est: pourquoi des personnes plus compétentes que moi, quel que soit leur bord ou leur religion, n'ont pas soulevé ce lièvre ? Si vous avez des lumières à ce sujet, je suis preneur.