Lettre à une chrétienne sincère

J’ai reçu un commentaire fort pertinent et très sincère de la part de Dominique qui réagissait à mon article "Etudier la Torah, seule façon de contrer les missionnaires". Compte tenu de sa qualité, j'ai me suis laissé aller à une longue réponse. Ce dialogue devrait vous intéresser.  

Mon cher Arié
Je regrette l`impression, si elle est vraie c`est dommage pour nous chrétiens que nous essayons de convaincre les juifs de changer de religion et d`adhérer au christianisme. Personnellement je respecte terriblement votre religion que je trouve fort intéressante . Peut être est ce plutôt la passion des chrétiens a parler également de Dieu. Les catholiques dont je fais partie même si je regrette l`importance qu`a prise Marie vierge selon le nouveau testament uniquement pour la conception du Christ mais en aucun cas pour les nombreux enfants qu`elle a eu avec Joseph tout a fait normalement. De même trop de statues de saints qui peuvent en effet pour certains représenter un objet d`adoration. De même le faste du Vatican me semble en absolue opposition avec le message du fils de l`homme qui ne possédait disait il même pas un oreiller pour poser sa tète. Enfin nos papes n`ont pas toujours été a la hauteur  c`est le moins que l`on puisse dire ou encore l`horreur de l`inquisition. Mais j`imagine que cela aurait été pire avec une autre religion. Je  suis probablement plus protestante que catholique mais je reconnais l`intérêt de l`étude de livres comme ceux de St Thomas d`Aquin. Nous remercions tous le peuple juif d`avoir conservé la parole divine pour moi dans la Bible ne connaissant pas la Torah et ne lisant pas l`hébreu. Nous vous considérons comme nos aines en religion et pour la majorité d`entre nous le premier pacte entre dieu et le peuple juif a toujours été d`actualité, cela a été dit par le Christ  dans le nouveau testament. Jésus n`a jamais  voulu supprimer le premier pacte bien au contraire il l`a simplement  ouvert a tous et il a démontré l`amour du créateur pour ses créatures et son immense humilité lui l`Eternel. Et heureusement pour nous les anciens païens nous avons un autre pacte même si extrêmement proche du votre a travers le christ pour nous le messie n`étant pas juifs. J`ai lu avec un peu de regret un de tes textes rapprochant d`avantage les chrétiens des musulmans que des juifs. Pourtant les principes du christianisme et je ne parle bien entendu pas ce qu`en on fait les hommes sont les mêmes que ceux du judaïsme base sur les dix commandements le repentir le libre arbitre l`Amour de tous les hommes et  non la supériorité guerrière comme celle prônée par les musulmans sur les autres religions sans parler des horreurs de la vie de Mahomet. Personnellement je n`aurais vu aucune objection  a me convertir au judaïsme si vous n`acceptiez si peu les conversions même si j`avais continue a en croire dans le Christ tout simplement trop parfait pour être un homme . Nous viendrons tous nous les chrétiens intelligents si vous le désirez bien sure vous aider a construire le troisième temple a Jérusalem très bientôt car je pense aussi comme l`a annonce  ce très vieux et très sage rabbin après avoir fait deux fois le même très étrange rêve que la gedoula est très proche. Israël est trop en danger.

God bless Israel

Bonjour Dominique

Je ne reçois pas tous les jours des commentaires comme le votre, d'une absolue sincérité,  aussi je vais vous répondre de la façon la plus circonstanciée possible.

D'abord une mise au point s’impose: je n'ai jamais tenté de faire un rapprochement entre chrétiens et musulmans. Si vous lisez attentivement l’article en question, vous constaterez que ce sont les musulmans qui ont accordé à Jésus une place centrale dans leur panthéon des prophètes; le situant dans les 5 prophètes majeurs de l'Islam, juste après Mahomet. C'est leur droit. Moi, j'appelle ça de la récupération politique ! Par ailleurs,  les musulmans jouent avec la sémantique et la logique, car "musulman"  signifie "soumis à dieu", or, Jésus  étant on ne peut plus soumis à Dieu, est donc musulman. Mais, puisque pour les musulmans, toutes les figures centrales de la Torah sont "musulmanes " à commencer par Adam, ce point n'a pas grand  intérêt.

Pour ce qui est des conversions, je reconnais que depuis quelque temps ce ne sont pas les catholiques qui œuvrent à la conversion des juifs -  ça n'a pas été ainsi de tous temps -  mais certaines branches du protestantisme, fort zélées. Un petit bémol à cette analyse: quand les chrétiens tentent de convertir les juifs, ils le font plus subtilement ; voir les succès enregistrés par feu le cardinal Lustiger, qui aurait fait, à ce que l'on  dit, plus de conversions que bien de protestants réunis, de par son charisme et sa position particulière, à cheval entre deux religions.

De façon plus générale, je ne comprends pas le zèle missionnaire de nos jours. Jadis les missionnaire partaient dans la brousse pour convertir les "païens, sans âme": africains, américo-indiens.. ..  Ca pouvait à la limite se comprendre, dans la mesure où les catholiques partaient du principe que ces gens là n'étant rien, ils pouvaient devenir quelque chose, à savoir chrétiens. Le musulmans d'ailleurs s'y sont pris de la même façon, en Afrique et ailleurs.

Mais aujourd'hui, soyons sérieux, si les chrétiens reconnaissent que les juifs sont leurs "ainés en religion", pour reprendre votre phrase, pourquoi diantre certains tentent-ils de leur enlever cette primauté et cette antériorité. Si j'étais chrétien, je serais au contraire ravi que le maximum de juifs reviennent à leur religion et à leur tradition, la plus authentique. Ca fournirait aux chrétiens encore plus d'ainés en religion.

Quant à Jésus, cela réclame un peu de sémantique hébraïque. Qu’est-ce que "le fils de l'homme" ? En hébreu, cela s'appelle "BéN ADAM", soit fils d'Adam. C’est une expression fort commune, qui de plus a une connotation positive. Un Bén Adam est un homme, dans toute l'acceptation positive du terme. En Yiddish, on dit c'est un Mensh. Un mec, quoi ! C'est positif, mais pas exceptionnel. Donc en se qualifiant, ou en se faisant qualifier ainsi, Jésus-Bén Adam, n'est qu'un homme de qualité,  mais un homme seulement, et pas le seul, fort heureusement.

Jésus parlait hébreu et araméen, comme tout le monde à son époque. Il est donc indispensable de traduire toutes les expressions latines, françaises et autres, en hébreu. Fils de l'homme, avec h ou H, n'a aucune connotation exceptionnelle, et à fortiori divine.

Autre précison : l'expression AVINOU qui signifie "notre père" est aussi une expression des plus courante dans la liturgie juive. On dit AVINOU ChéBACHAMAÏM, qui est traduit dans la liturgie chrétienne par "Notre Père qui êtes aux Cieux"", avec un excès de majuscules qui ne s'imposeront pas. Quand je prononce la prière AVINOU MALKéNOU (notre roi), je ne me considère pas comme fils de Dieu ou  fils du Roi, je proclame simplement, comme tous les juifs qui récitent cette prière, que nous avons, tous en commun, un père qui est Dieu. Or, Jésus, en bon juif, devait prononcer exactement la même prière que tous les juifs de son époque et des autres époques. Je serais fort étonné, qu'en tant qu'hébraïsant, Jésus accordait au mot AVINOU une autre signification que celle que j'accorde et qu'accordent tous les juifs. Donc, il est parfaitement logique que Jésus n'ait jamais prétendu qu’il est le fils de D.

Le problème des chrétiens actuels,comme des juifs d'ailleurs, c'est que à de très rares exceptions, ils ne connaissent pas l'hébreu, et surtout, ils oublient que Jésus réagissait comme un Hébreu, s'exprimait, pensait en hébreu  ou en araméen, mais cela ne change rien à la démonstration. Ainsi il ne disait certainement pas AVI (mon père) mais AVINOU (notre père) qui s'applique à une collectivité et non à une personne.

Les chrétiens au fil des ans, et surtout après ce malheureux Concile de Nicée, orchestré par l'empereur Constantin, qui a statué que Dieu a pris la forme corporelle d'un homme, ont accordé à Jésus un statut qu'il n'a jamais réclamé. Le Christianisme n'a pas été créé par Jésus mais par d'autres, et en particulier par Saül de Tharce, qui à mon sens, a dénaturé son enseignement.

Ainsi, Jésus étant un Hébreu, comme les autres Hébreux de son époque, n'a aux yeux des juifs aucun caractère ou fonction messianique , d'autant plus que les attributs et les apports du Messie à venir, ont été clairement répertoriés et définis, notamment par Maïmonide, et qu'ils ne correspondent en aucune façon à Jésus. A partir de là, il ne peut  y avoir de convergence entre juifs et chrétiens sur ce point fondamental.

Je suis heureux que vous mentionniez certaines dérives du Catholicisme: Inquisition, abus de certains Papes, déformation  de la personnalité de Marie, statufication excessive des saints, etc..... Votre critique de ces dérives m'amène à un autre point: les juifs – en théorie - n'ont pas le droit de remettre en question la Torah et les commandements qui en découlent, tout au plus peuvent-ils reconnaître leur propre difficulté à observer ces commandements. C'est une observation purement théorique, parce que beaucoup ne se privent pas de le faire.

Autre point : c'est une erreur de croire que le judaïsme est basé sur les Dix Commandements.  Il existe 613 commandements, positifs et négatifs,  qui, en théorie, sont aussi importants les uns que les autres. Quant aux non-juifs, nous leur attribuons 7 commandements, appelés les "Sept commandements des fils de Noé". Il n'y en a que sept, mais, si vous les étudiez en détail,  vous verrez qu'ils ne sont pas si faciles à suivre. Nous considérons que le non juif qui s'acquitte de ces Sept commandements est digne d'éloge.

Voilà Dominique, quelques réflexions que m’a inspiré votre commentaire, sensible et authentique. Cette réponse est trop longue pour être engluée dans un bas de page, aussi je la publie sur le blog.