Pourquoi faut-il éviter comme la peste les prophètes des Nations ?
Nos sages sont unanimes : Bilam ou Bli'am (homme sans peuple) possédait un degré de prophétie supérieur à celui de Moïse. Etonnant, comment cela est-il possible ?
La Guemara dans Brakhot 7A, nous fournit une bonne piste de réflexion. En effet, il est dit que Bilam était le seul homme à posséder un don tout à fait exceptionnel. Je dis bien un "homme", car le Talmud nous explique que les animaux, ou du moins certains d’entre eux, tels le coq, connaissent d’instinct, le moment précis où Dieu se met en colère. Bilam manifestement partageait ce don avec le coq. Il connaissait l’instant précis où D. se fâche, et utilisait cet instant pour parvenir à ses fins, qui en général, consistait à maudire les Hébreux.
La première question qui se pose est : D. peut-il se mettre en colère ? Une fois encore, les Sages sont unanimes, en citant les passages appropriés : oui D. peut des mettre en colère, de la même manière que D. prie. Que se demande t-Il dans sa prière ? Rav Zoutra Bar Touvia nous dit : D. prie pour que "Sa miséricorde l’emporte sur Sa colère". Preuve supplémentaire que D. est capable de colère.
Cette colère ne dure qu’un instant, qui en hébreu se dit réga. Un instant-réga n’est pas une mesure de temps approximative, comme dans l’hébreu courant, où la caissière dit à une cliente qui s’impatiente "réga Givérét", un instant, madame. C’est une mesure de temps précise, qui servait aux sages de l’époque dans toutes sortes de calculs astronomiques. La mesure du réga varie légèrement selon les sources. Ainsi dans ce passage du Talmud Brakhot, réga représenterait 1/ 58888 d’heure, soit 0.061 seconde. Dans d’autres textes on obtient 0.044 seconde.
Cette fraction de seconde intervient lors des trois premières heures du jour.
Et pourquoi D. se met en colère ? La guemarra précise que D. s’emporte contre les Rois de l’est et de l’ouest, qui, aux trois premières heures du jour, ôtent leur couronne pour se prosterner devant le soleil levant.
Bilam, mercenaire de Balak, est invité, et grassement payé, pour maudire les enfants d’Israël, et, a toutes les chances d’y parvenir. Si D. s’était effectivement mis en colère à cet instant précis, ce jour précis, le Talmud nous dit qu’il ne serait pas resté grand-chose des Hébreux. Or Hachém décide de modifier son mode opératoire habituel, pour que la malédiction de Bilam soit inopérante. Vous connaissez la suite : le peuple d’Israël eut droit à la plus belle bénédiction de son histoire (Qu’elles sont belles tes tentes Jacob…), énoncée par le plus grand, le talentueux et le plus foncièrement méchant prophète des Nations, de tous les temps.
Le Guemara nous explique que le coq connait d’instinct l’instant précis où D. se met en colère. Cela se manifeste par un blanchiment soudain de sa crête et le fait qu’il se tient sur une seule patte. Or, la Guemara raconte que Rabbi Yéoushua ben Lévi était tout le temps importuné par ce que le Talmud appelle un Min, qui contestait sans cesse les versets de la Torah ; Rabbi Yéoushua, excédé, décide de le maudire, à la manière de Bilam. Il prend donc un coq, l’attache au pied de son lit et attend le moment propice qui lui serait révélé par le changement de physionomie et de comportement du coq. Manque de chance, le rabbi s’endort, et le moment fatidique passe. A son réveil, au lieu de se désoler d’avoir laissé passer l’heure propice à la malédiction, il de réjouit de n’avoir pas eu à maudire qui que ce soit même le plus mécréant des mécréants.
Cette page du talmud nous interpelle à plusieurs titres
D’abord sur l’existence effective de prophètes, mages, visionnaires de tout poil, qui ne proviennent pas de la communauté d’Israël et qui, à certains égards sont plus affutés que le plus grand des prophètes juifs, à savoir Moïse. Qu’ils soient tournés vers le bien ou vers le mal est affaire d’interprétation, mais une chose est certaine, nous n’avons rien à gagner à les écouter ou à nous attacher à leurs pas. Certains parmi eux possèdent une propension au mal qu’ils ont largement prouvé dans le passé, profitant d’une absence passagère de D. (ou, colère) pour nuire aux juifs. Les exemples abondent. Bilam d’ailleurs, n’ayant pas réussi à maudire les Hébreux, s’est rattrapé par la suite en les entrainant dans une vague de débauche qui leur a couté fort cher.
La colère de D. est tournée contre "les rois de l’est et de l’ouest" qui se prosternent devant le soleil. Il me semble – interprétation personnelle – que l’on peut aller plus loin dans la définition de ces rois. Ne s’agit-il pas des chefs, matériels ou spirituels, de ce monde, qui n’ont pas trop bien compris qui le dirige effectivement, et qui auraient tendance à se prosterner devant le Pouvoir, la Richesse qui brille comme le soleil (bien qu’avec la crise des subprimes, on constate combien la richesse est éphémère), et plus généralement devant de faux dieux qu’ils considèrent comme parfaitement authentiques et opérants.
Maudire quelqu’un, même une petite malédiction de rien du tout qui ne tire pas à conséquence, est une erreur qui peut être lourde de conséquences. Qui nous dit en effet que cette malédiction n’a pas été entendue là haut ?
Placer D. aux abonnés absents, peut s’avérer à la fois stupide et dangereux, parce que notre niveau de prophétie et plus proche d’epsilon que de Moïse.
A la réflexion, cette guemarra est assez appropriée pour les Jours
Redoutables qui précèdent Kippour.