Israël est-il tombé sur la tête ?

Publié le par Arié


Mon ami "le Rabbin des Bois" s'est enfin décidé à sortir de sa grotte et  à s’exprimer par écrit; je lui cède donc volontiers la tribune, persuadé que sa vision sur Israël ne vous laissera pas indifférent. Comme tout Robbin des Bois qui se respecte, il décroche des flèches acérées, et le fait avec passion et sincérité. Cela ne signifie pas pour autant que je partage intégralement sa vision, mais, bien 80 % de celle-ci. Je précise, à l'attention de ceux qui ne le connaissent pas, qu’il est aussi le créateur de la Table Ouverte et de la boucherie du cœur Raphaël.  Il ne se contente donc pas uniquement de « palabres », comme on dit en Afrique
.


[ Né en Israël,  en fait en « Palestine », durant le Mandat britannique en 1944, et profondément sioniste, ayant vécu trois fois en Israël,  je ressens depuis près de 20 ans un malaise grandissant, en observant ce qui se passe en Israël.

Depuis plus de 10 ans j’ai l’impression, angoissante, que les choses empirent, dans un mouvement qui s’accélère,  pour atteindre récemment un état de déliquescence insupportable et chargé potentiellement (que D. préserve) de douloureux développements.

 Pour illustrer mon propos je ne prendrais, dans le désordre, que quelques exemples,qui me paraissent significatifs :

Le Premier Ministre démissionnaire, suite à plusieurs affaires de corruption, visiblement pour se venger d’avoir été écarté du pouvoir, fait une déclaration selon laquelle la paix ne sera obtenue, qu’en rendant  98% de la Cisjordanie et tout Jérusalem-Est, et, en accueillant un nombre important de réfugiés. Il sabote ainsi tout pouvoir de négociation d’Israël. Ceci est d’autant plus vrai que la semaine dernière, les Présidents Bush et Abbas ont convenu que la déclaration d’Olmert servirait de base de départ pour la continuation des négociations, aujourd’hui et sous la future administration US.

L’Etat Israélien est détenteur certainement du record du monde des gouvernants poursuivis en justice: 8 ministres sur 27, dont l’ancien ministre des finances, pour avoir détourné plusieurs millions de shekels à son profit des caisses d’un syndicat et d’organismes de charité; compte non tenu de l’ex Président de l’Etat poursuivi pour agression sexuelle

Nous ne citerons pas les marchandages sordides en vu de la création d’un gouvernement de coalition, marchandages dignes des pires heures de la 4ème République en France; totalement surréaliste dans un pays en guerre, avec une majorité de députés contre des élections anticipées pour seul motif que celles-ci les priveraient de leur siége si agréable. Alors que le Président du Shas y est favorable, simplement parce qu’ainsi il ferait barrage à son challenger Arié Dhéri, qui ne peut pas se présenter avant deux ans ….ayant fait de la prison !

Pour clore le sujet politique, il apparaît urgent de réformer le système électoral israélien, réduire drastiquement la dose de proportionnelle pour avoir, enfin, qu’un maximum de quatre grands partis et permettre la création de gouvernements stables.

Nous faisons cette proposition sans grandes espérances, car beaucoup de membres de la Knesset ne voterons jamais une telle modification pour ne pas scier la branche douillette sur laqu’elle ils sont installés.

Une des raisons - ce n’est bien évidement pas la seule - de la situation catastrophique sécuritaire, est constituée par ces écuries d’Augias  politiques. En effet, la seconde guerre du Liban a démontré, non seulement, la suffisance de l’Etat Major. On se rappellera la déclaration de Dan Halouts dans les premiers jours: "nous allons ramener le Liban au moyen âge !", mais l’état de délabrement de l’armée, à la frontière même du pays : des soldats sans nourriture, sans eau, sans munitions et souvent sans ordres clairs. Non seulement l’Armée n’a pu mettre au pas 3 ou 4.000 combattants munis d’armes légères mais le gouvernement a accepté, avec un soulagement coupable, la présence de force de l’ONU pour assurer un cessez le feu et garantir le non réarmement du Hezbolah. Depuis 2 ans, sans qu’Israël n’intervienne, le Hezbolah, a non seulement reconstitué son arsenal de missiles, mais l’a  même renforcé et sophistiqué au point d’avoir des missiles capables d’atteindre Natanya, voir Tel-Aviv et même d’être équipés de têtes chimiques. Totalement incompréhensible. Idem à Gaza, où notre grand stratège, Ministre de la Défense, nous promet périodiquement une action militaire d’envergure, qui, comme la sœur Anne, nous ne voyons pas venir, et ne verrons vraisemblablement jamais. Et ce, malgré les centaines de missiles tombés à Sdérot et alentours. Faut-il y voir l’incapacité de l’armé de monter une telle opération, ou la peur de Barak de mettre fin à sa carrière politique si l’opération devait entraîner des pertes importantes, ou les deux ?

Que dire dans le même ordre d’idées du fait que 40% des jeunes israéliens s’arrangent pour ne pas faire leur service militaire et qu’un pourcentage encore plus important ne se présente pas pour les périodes de réserves,

Que dire aussi de 2 palestiniens, il y a deux semaines, heureusement sans mauvaises intentions, qui pénètrent, sans problèmes, sur une des principales bases aériennes de l’armée, croisent des soldats, des officiers pendants plus de 2 heures, côtoient librement des jets et des bombes, et ne sont finalement remarqués que par un chef de chantier à qui ils demandaient du travail ?

Que dire des politiciens qui, chevauchant la vague de sentimentalime malsain qui  s’est emparrée de l’opinion publique grâce aux média, ont mis en scéne à leur profit l’échange de criminels monstrueux (Kountar par exemple) contre ce qu’ils savaient pertinemment être des cercueils. Tout en serrant la main quelques jour plus tard à un Mahmoud Abbas qui venait de recevoir avec les honneurs dus à son rang, à la Moukhata, le même Kountar. Il est vrai qu’il s’agit de notre partenaire crédible pour la paix.

Que dire d’un gouvernement israélien qui, pour officiellement renforcer la position de ce "partenaire pour la paix" relâche, sans contrepartie, 198 terroristes. Or, la même semaine, une statistique du ministère de l’intérieur nous apprenait que le taux de récidive des terroristes relâchés dépasse les 50 %, et, que ceux relâchés depuis 2.000 ont tués plus de deux cent israéliens et en ont blessés plus de mille.

Quand on est responsable d’un pays en guerre, on est sensé réfléchir avec sa tête, et non sur la base d’un soi disant sentimentalisme larmoyant (il est évident que nous compatissons, au sens littéral avec le pauvre Guilad Shalit et ses proches).

Relâcher 400 terroristes (proposition israélienne) ou 1.400 (comme suite à la demande du Hamas, qui a très bien interprété la faiblesse d’Israël face au Hezbolah citée ci-dessus) c’est en toute probabilité créer délibérément plusieurs dizaines, voire des centaines, de futures victimes innocentes, sans compter le danger auquel seront exposés les membres des services de sécurité pour rattraper le 200 ou 700 récidivistes.

Les accidents de la circulation font près de 700 morts par an et plusieurs milliers de victimes en Israël, sans que cela n’émeuve  grand monde. J’ose poser la question : est-il moins tragique qu’un père ou une mère de famille meurt sur la route et laisse des orphelins en bas âge par la faute d’un inconscient, un alcoolique ou un drogué récidiviste ? A quand les reportages, les pétitions nationales et internationales, les conférences de presses pour ces familles détruites ou cess individus handicapés à vie ?

Pour clore sur le sujet, nous voudrions dire, qu’aux yeux de nos adversaires, nous avons perdu notre capacité de detérence et une grande partie de notre crédibilité chez nos rares alliés, notamment américains. 

Passons maintenant au volet cohésion nationale et moralité.

Dans ma jeunesse, le fossé entre religieux et laïcs existait déjà, mais les gens, en général, se supportaient, au prix d’une ignorance réciproque.

Les religieux n’empêchaient pas les laïcs de faire des barbecues sur les plages de la côte, et les laïcs ne venaient pas narguer les autres le Shabbat. Lors de mon dernier séjour d’un an à Jérusalem, en 2000, tous les Shabbat, des militants du Meretz et de Shalom Archav se faisaient un de voir de monter de Tel Aviv à Jérusalem en voiture et de parcourir de long en large le plus grand boulevard de Jérusalem, klaxon  bloqué, pendant des heures. De la même manière, des laïcs ont dû quitter leur quartier sous la pression sociale parce qu’ils visionnaient la TV ou conduisaient le Shabbat dans un quartier devenu progressivement religieux.

La volonté délibérée de tenir la "Gay Pride" nationale ou internationale à Jérusalem, constitue le comble de la provocation, non seulement vis-à-vis de la population pratiquante de la ville, mais aussi des communautés chrétienne et musulmane. Idem pour l’autorisation de permettre aux commerçants de vendre du Hametz à Pessah, ou l’interdiction dans certaines villes de construire des mikvés.

En un mot, il ne s’agit plus de "coexistence pacifique" mais de la lutte entre deux intégrismes. C’est un rédacteur orthodoxe qui essaye d’être orthopraxe qui écrit cela.

Quid de l’abandon quasi-total, dans les écoles de l’Etat, de l’enseignement de la culture juive, à tel point qu’à la fin de 1999, l’ancien président, laïc, de l’Etat, Mr Herzog s’est outré à la télévision d’apprendre que dans le secondaire, une très grande majorité des jeunes ne connaissaient pas la différence entre un Kaddish et un Kidouch !

Que dire de la volonté délibérée de l’Agence Juive, qui d’après ses propres déclarations, début 2008,  indiquait que plus de la moitié des émigrants de l’ex- URSS n’étaient pas juifs, avec tous les problèmes que cela va poser dans le futur, au plan des mariages par exemple, et qui va entraîner une nouvelle cause de clivage permanent entre laïcs et pratiquants. Tout cela pendant que le premier ministre, Nathanyaou, réduisait drastiquement les allocations familiales en déclarant à la télévision "si on n’a pas les moyens on ne fait pas d’enfants". En clair, cela revenait à dire qu’il valait mieux que l’Etat dépense de l’argent pour faire venir et installer des non juifs en Israël plutôt que de voir la proportion de pratiquants augmenter.

Que dire d’un pays où 20% de la population part à l’étranger pour les actuelles fêtes de Tichri, alors que plus de 20% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté ?

Que dire d’un pays, où fin septembre dernier, le chef de la Police fait une conférence de presse pour indiquer solennellement qu’à son avis, le danger stratégique majeur et existentiel pour Israël n’est pas constitué par les palestiniens ou l’Iran nucléaire, mais par la corruption qui gangrène la société du bas en haut de l’échelle ?

Le journal Haaretz titrait il y a quelques jours, avec satisfaction, que l’ "importation" dans des conditions épouvantables de prostituées, souvent mineures, voire juives, à travers le Sinaï et le Néguev, était tombée de 3.000 à 2.000 filles environ par an (soit 30.000 à 20.000 filles si l’on avait la population française). Et puis ,bonne nouvelle,, Israël est devenu aussi exportateur dans la même branche d’activité.

Le racket est devenu une industrie nationale  dans beaucoup de secteurs dont les acteurs règlent leur compte, comme aux beaux jours de Chicago, à coup de grenade et de lances roquettes, quand ils n’organisent pas avec des "collègues" palestiniens le vol de voitures vers les territoires, ou l’importation de viande avariée des mêmes territoires pour les familles pauvres qui ne peuvent acheter de la viande correcte pour les fêtes.

Les exemples pourraient être hélas multipliés longuement et nous préférons arrêter pour ne pas fatiguer le lecteur.

Que celui-ci ne croie pas que nous ne voyons pas les cotés positifs de la situation. Beaucoup de jeunes sont volontaires dans les unités combattantes, il y a encore quelques politiciens honnêtes qui pensent en priorité à l’intérêt du pays, des milliers d’Israéliens sont volontaires dans des associations.

Certes, tout cela est heureusement vrai, mais nous avons le sentiment profond en observant la réalité au quotidien que les maux (plus ceux dont nous n’avons pas voulu parler, dont la fin annoncée du sionisme) que nous avons soulignés touchent déjà la majorité de la population, pour ou pro. Ce courant est de plus en plus impétueux; il rentre dans la logique "laïque" de vouloir être à tout prix un peuple et un pays comme les autres.

Pour clore, je vais reprendre ma casquette - j’aurai du dire, ma Kipa - est vous exposer, de manière forcement partisane, mon point de vue.

Tout d’abord, le peuple juif ne sera jamais un peuple comme les autres. Quand il a voulu s’assimiler et copier les Nations, cela c’est toujours terminé par une catastrophe. Et ce, d’autant plus, qu’étant un peuple « extrémiste », il veut et il peut toujours faire mieux et plus, que les autres, dans le bien, ou son contraire ; notre histoire en témoigne.

Alors, quand on veut être un peuple comme les autres, sans destin particulier sur une terre particulière, alors on peut se poser la question : que fait-on en Israël ? Pourquoi avoir bouleversé la vie de tellement de personnes, tant localement que régionalement ?

On pourrait être « comme tout le monde » à New York, Sidney ou autre pays d’immigration, où se côtoient, sans grands problèmes, et souvent, dans le respect mutuel, des communautés différentes. Et surtout, que l’on ne me dise pas que le pays devait être crée pour ne plus connaître une Shoa, quand je vois la manière dont on a spolié, oui spolié, les survivants de celle-ci, qui ont plus de 80 ans et vivent très souvent dans la misère.

En ces jours de Tichri, il n’est pas inutile de relire la Thora et de se rappeler ce qui arrive quand Ychouroun devient gras (regarder une foule israélienne ou le tour de taille des officiers supérieurs) et qu’il régembre (Gay Pride) quand on est prêt à redonner le Mont du Temple que nous avions perdu, et retrouvé miraculeusement, et surtout quand il n’y a plus d’unité au sein du peuple.

Je prie pour que nous fassions Techouva, retrouvions l’unité du peuple, l’unité autour de nos valeurs et de notre destin spécifique. Nous avons fait souvent la preuve de notre capacité de sursaut. J’y crois. ]

Publié dans Les Israéliens

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Dès que Guilad fut enlevé, il aurait fallu foncer dans le tas pour le libérer. Le faire tout de suite et pas attendre comme le gouvernement ou Tsahal l'ont fait. Ils ont abandonné et ont laissé un frère derrière eux. <br /> Je suis malheureusement d'accord avec vous en ce qui concerne les clivages qui existent en Israël. Et cela empire un peu plus chaque fois. Aussi je me joins à vous en priant que tout le peuple fasse Téchouva et que l'unicité soit enfin retrouvé.<br />  
Répondre