Rahm Emanuel avoue : Depuis 14 mois on a merdé avec Israël
C’est à dessein que je n’ai pas mis de guillemets autour de on a merdé; non que je me complaise dans la vulgarité, mais parce que je n’ai fait que traduire les termes exacts employés par le sieur Rahm Emanuel devant une assemblée de 15 Rabbins. « The Obama administration has “screwed up the messaging” about its support for Israel over the past 14 months, and it will take “more than one month to make up for 14 months »,” By the way, comme on dit en américain, drôle de langage devant un tel parterre.
Histoire surréaliste. Une quinzaine de rabbins, triés sur le volet, donc en mesure de répercuter la bonne parole obamienne à leurs Communautés respectives, sont invités à deux reprises par l’Administration américaine à la Maison Blanche: La première fois, pour s’entendre dire que l’on a merdé la communication avec Israël, et la seconde pour leur faire dire : « vous voyez, n’est ce pas, tous les efforts que nous avons accompli depuis notre dernière réunion, pour améliorer na ni , na, na, avec Israël
En anglais il existe un proverbe: don’t explain, don’t complain, ne te justifies pas, ne te plains pas. Autrement dit, t’as merdé… t’as merdé, essayes de réparer mais sans pleurnicher et sans justifier tes erreurs.
Obama ne doit pas connaître ce proverbe, pourtant bien utile dans la bonne marche des relations internationales, où avouer une erreur est impardonnable: il fait venir des rabbins et leur dit ‘Hatati, Pashati, J’ai fauté envers Israël, je demande Mehila, pardon. Et le tout sur un fond d’hypocrisie lamentable, car, que dit Emanuel en substance ? Nous avons foiré la communication, mais nous sommes droits dans nos bottes sur le fond, car Israël a toujours été notre allié, notre ami et nous sommes soucieux de son bien être et de sa sécurité. Faux, archi faux!
Cete épisode appelle plusieurs commentaires
Pourquoi inviter des rabbins pour faire entendre ce genre de discours; convoquer la presse eut été bien plus approprié. Ou alors, l’Ambassadeur d’Israël qui aurait transmis la bonne parole à qui de droit.
La première réponse qui vient à l’esprit est qu’Obama, par Rahm Emanuel et quelques feuj de service interposés, veut se réconcilier les bonnes grâces de la Communauté juive américaine, celle qui n’est pas empoisonnée par J Street, afin de limiter les dégâts aux prochaines élections au Congrès. Exact, mais insuffisant comme explication.
Une seconde hypothèse qui circule est, qu’Obama, lâché de toutes parts, par ceux qu’il croyait pouvoir séduire par son verbe, superbe – à commencer par le Monde arabe – se rend compte, qu’en définitive, son seul allié dans ce Moyen-Orient hystérique, contre l’extrémisme sunnite et la folie iranienne, reste et demeure Israël. D’où son mea culpa.
Mais, manifestement Obama considère que les lâchages et les affronts, en cascade, faits à Israël, en général, et à Netanyahou, en particulier, relèvent d’avantage du théologique que du politique, donc, qui mieux que des Rabbins pour entendre son mea culpa. On se croirait au Vatican. J’aime assez cette explication car elle cadre bien avec le vécu obamien. Voilà un homme qui a partagé son existence entre deux religions : l’Islam de son père et de son éducation en Indonésie, et ses choix d’adulte, à savoir intégrer l’Eglise baptiste du pasteur Jéremy Wright.
Ainsi que je l’ai rappelé à plusieurs reprises, la frontière entre le Christianisme de Wright et l’Islam soft, professé par Farrakhan et consorts, est bien mince, dans la mesure où les deux cultes s’adressent en définitive à une seule et même communauté: celle des Afro-Américains, qui, depuis quelques décennies, naviguent avec aisance de l’un à l’autre; quitte à revenir en arrière. La religion professée par ces deux branches de l’Abrahamisme, repose sur une certaine détestation des Blancs, quand ce n’est pas des juifs, qui non seulement, sont Blancs, mais en plus, échappent, et pour cause, au Christianisme. Détestation pas totalement injustifiée d’ailleurs, de par l’oppression morale et économique dont ont pâti les Noirs américains. De plus, Obama né d’un père Kenyan, ajoute un volet tiers-mondiste à sa double appartenance religieuse. Rien, ni personne, ne saurait justifier de sa part un amour quelconque pour Israël et les Juifs. Tout, au contraire, l’a préparé à la détestation de ce peuple. Or, quand on raisonne en termes de Pasteur, d’Imam et de Curé, le seul interlocuteur qui vient à l’esprit, c’est le Rabbin. Ce sont donc eux qu’il faut convaincre, pour qu’à leur tour, ils persuadent leurs ouailles.
Ce ne sont pas Rahm Emmanuel, Directeur de la Maison Blanche, Denis Ross, Conseiller du Président sur le Dossier iranien et Dan Shapiro, Directeur du « Desk Proche-Orient », tous juifs, mais bien ignorants des choses de la religion et des connexions singulières qui existent entre le Rabbin et la Communauté, qui le dissuaderaient d’organiser ces réunions, ridiculement inutiles.
Ils n’ont pas su expliquer à Obama que le temps où les Rabbins étaient les faiseurs d’opinion de la communauté juive – même aux Etats-Unis – avait bel et bien disparu, à part dans certaines communautés hassidiques; les Neturey Karta, par exemple. On peut le déplorer ou s’en réjouir, mais c’est comme ça.
Ils n’ont pas su expliquer à Obama que la fonction d’un Rabbin ne pouvait se comparer à celle d’un Pasteur, d’un Curé ou d’un Imam, parce que, pour le Judaïsme, tout juif est un rabbin potentiel, pour peu qu’il ait étudié et réfléchi, et que le judaïsme n’accorde pas de pouvoir particulier à la fonction.
La distinction entre laïc et religieux dans le judaïsme est absente, contrairement au Christianisme et à une large frange de l’Islam; donc le Rabbin n’est certainement pas l’interlocuteur ad hoc quand il s’agit de reconnaître que la communication envers Israël a été nulle.
« La forme du message est nulle mais le contenu reste valable », dit Emanuel. Avancer un tel argument c’est ajouter l’hypocrisie à la sottise. Avant même son éléction, Obama s’est montré partial, hostile, et préjudiciable envers Israël. J’ai dû consacrer une soixantaine d’articles à ce sujet – de quoi construire un bouquin -, je ne vais donc pas rabâcher. J’irais même plus loin: la forme du message a été plus adroite que le fond. Par ailleurs, depuis quand le fond est indissociable de la forme, surtout en politique.
Enfin, récompense suprême promise par Obama: il aurait expressément demandé à Georges Mitchell de ne plus mettre la pression sur Israël. N’ayez plus peur du méchant Mitchell; je lui a demandé d’être gentil avec vous, à l’avenir. De l’infantilisme à l’état pur. A moins qu’il ne s’agisse d’une nouvelle manoeuvre vicieuse, ce qui n’a rien d’incompatible avec l’infantilisme politique.
Je ne peux m’empêcher de rappeler que cet aveu de foirage de la part Rahm Emanuel conforte mes prises de position sur le comportement de l’Administration d’Obama vis à vis d’Israël depuis bien avant son élection. C’est dur, mais aussi encourageant, d’avoir raison.