Le cochon, révélateur de notre civilisation

Publié le par Arié


"Tout est bon dans le cochon", non seulement sa valeur nutritionnelle, mais également sa valeur symbolique. La grippe porcine, ou quelque soit la façon dont on l'appelle, est un puissant révélateur de notre civilisation tri-culturelle.


D'un côté, les pays arabes, comme l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Koweït, le Qatar, les Émirats arabes unis et la Libye où, Coran oblige, l’élevage de porcs est interdit, de l'autre côté, des pays arabes où subsiste encore une minorité chrétienne comme l'Egypte, où l'on élève des cochons. Le Coptes d'Egypte, qui représentent quelque 15 % de la population, élèvent tout naturellement, des porcs, or le gouvernement égyptien a pris une mesure draconienne qui consiste à abattre son cheptel porcin pour éviter la propagation de la grippe A-H1N1 sur son territoire. Décision absurde, car rien ne permet de d'affirmer que c'est le cochon qui transmet le virus à l'homme; j'ai même lu quelque part que ce serait l'inverse. La minorité copte égyptienne n'est évidemment pas contente et voit derrière cette mesure un affaire de religion. Les cochons sont élevés, pour la plupart, aux abords du Caire, par des chiffonniers chrétiens. Sachant que les cochons se nourrissent dans les déchéteries, ils constituent un maillon essentiel dans le ramassage des ordures, évitant ainsi aux pouvoirs publics le soin de les collecter. L'Eglise copte, pour éviter les affrontements sanglants entre ses fidèles et les forces de l'ordre et autres vétérinaires venus euthanasier les porcs, s'est rangée derrière les autorités égyptiennes. Les autorités égyptiennes privent ainsi les plus pauvres de leurs sujets chrétiens de leurs moyens de subsistance et intensifient les risques d'épidémies en laissant s'entasser les ordures.

 


Dans les pays occidentaux, dits éclairés, producteurs et consommateurs de cochon, on assiste à deux phénomènes . D'abord à une hystérie médiatique. Trop contents d'avoir un sujet non polémique, genre crise économique, à se mettre sous la dent, les média font la part belle à la grippe porcine. Le public adore. Par ailleurs on assiste à une "disculpation" du cochon - qui n'y est pour rien, le pauvre – pour ne pas porter atteinte aux éleveurs de cochons et éviter une baisse de consommation.

Depuis le jour où quelqu'un de bien informé a dit: "Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de sa bouche" que l'habitude l'installa, petit à petit, de manger du porc. Mais à la réflexion, l'auteur de cette formule voulait simplement dire qu'il ne fallait point blasphémer ou médire. Ses propos furent tirés de leur contexte, d'autant plus qu'il s'adressait à des juifs comme lui, qui ne pouvaient souiller leurs corps par des nourritures interdites, puisqu'ils suivaient les règles alimentaires mentionnées dans la Torah.


En israël, on a assisté à un évènement rare; à savoir que le Grand rabbin sépharade d'Israël, Shlomo Amar, a proclamé une journée de jeûne public afin d'éviter que la grippe ne s'étende. Rav Amar fonde son argumentation sur un passage du Talmud Taanit (traité des jeûnes, page 21/B), où Rav Yéhouda a institué un jeûne public, non pas de peur que l'épidémie s'étende à d'autres espèces animales, mais parce que le système digestif du cochon ressemble à celui des humains. Rashi précise à ce propos que les porcs à l'instar de l'homme ne sont pas des ruminants. On peut penser ce que l'on veut de cette décision rabbinique, sourire, tempêter ou approuver, il n'empêche que cette incitation au jeûne et à la prière a ceci de commun avec les prières que l'on fait à Rosh Hachana (Nouvel an juif), à savoir demander au Ciel que l'année soit clémente pour tous les peuples de la terre, et non seulement pour juifs, comme on le croit communément.


Qu'en déduire symboliquement de cette épidémie que nous espérons la plus courte possible ? D'un côté, on règle le problème par l'absurde en tuant les porcs ou en interdisant l'élevage, ce qui est quand même préférable, de l'autre côté, on crie, on se lamente et on tente de se protéger; les Juifs prient pour le salut, et la santé de l'humanité, par la même occasion, en jeûnant.

 

 

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