Lois Noahides. Etude à la mémoire des habadnikim assassinés à Bombay

Pour tenter de s’y retrouver  dans ce sujet ardu, il faut, comme on dit de nos jours, revenir aux fondamentaux. Or il n’y a rien de mieux comme fondamental que le Michné Torah du Rambam, soit Maïmonide, qui, juste avant de clore son œuvre monumentale, traite de ces sept lois et nous apprend des tas de choses.

D’abord que six d’entre elles ont été données au premier homme, Adam Harichon, à charge pour lui de les transmettre à sa descendance, via son fils Chét. Et dans les faits, elles ont été appliquées jusqu’à la génération de Noé. Ce dernier reçoit un commandement supplémentaire, qui découle d’une autorisation divine : le droit de consommer de la viande. Ses aïeux, qui ne se nourrissaient que de légumes et de fruits, et n’avaient pas droit aux steaks saignants, n’étaient en aucune façon concernés par la façon traiter les animaux dont la fonction n’était pas de les nourrir.

Le Rambam nous apprend une autre chose qui me parait fondamentale. C’est que jusqu’à Abraham, ces sept lois avaient force de loi et qu’Abraham n’en a rajouté qu’une seule, qui est la circoncision, qu’il  transmet à Isaac, qui transmet à Jacob... Abraham n’a donc que huit lois à respecter (si l’on ne comptabilise pas la prière du matin qu’il a instauré en premier). Donc, en fait, jusqu’à la génération du désert, qui accepte de recevoir, par Moïse interposé, les 613 Commandements, l’Humanité, hébreux compris, n’était soumise qu’à un nombre limité de Mitsvot. Ceci, lorsqu’on y réfléchit, a une conséquence : en effet, un non juif qui applique à la lettre les sept lois noahides est en mesure d’atteindre un niveau aussi élevé que celui que possédait Abraham. Cette déduction, que je formule à ma façon, ressort clairement dans la démonstration du Rambam, qui nous dit que ce non juif, appelé Guér Toshav, que nous pourrions traduire par étranger résidant, à droit au Monde futur,  doit être considéré comme un Juste parmi les Nations et mérite notre plus grand respect.

Maintenant, que signifie : appliquer scrupuleusement les sept lois noahides ? Maïmonide impose une condition draconienne : il faut que cet étranger résidant reconnaisse que ces sept lois ont été transmises par D., dans la Torah, par la voix de Moïse. Ce qui suppose la reconnaissance de la divinité de la Torah et de tous ses Commandements, y compris ceux qui ne s’appliquent pas aux juifs. Maïmonide continue et précise qu’un non juif qui prend sur lui d’accomplir ces lois, sans pour autant reconnaitre leur caractère divin et obligatoire, mais de par sa propre volonté, parce qu’elles lui paraissent justes ou bonnes ou cool…, n’est en aucune façon reconnu comme étant un étranger résidant, ni un juste parmi les Nations, et ne fait pas partie des Sages parmi les non juifs. De plus, à l’époque de Moïse, il aurait eu droit à une punition on ne peut plus sévère.

Autrement dit, l’accomplissement des sept lois noahides par un non juif n’a de valeur aux yeux de D. et des juifs que si cet étranger accepte la Loi mosaïque, en reconnaissant le distinguo entre les lois qui régissent les Juifs et les lois qui régissent les Autres.

Maïmonide continue et précise que Moïse a reçu, entre autres missions, celles de convaincre l’humanité entière de la nécessité de se soumettre aux lois noahides, et d’instaurer un système de châtiment, on ne peut plus sévère, pour les non-juifs qui refuseraient de s’y soumettre. Ce n’est pas moi qui dis, c’est le Rambam.

Ces lois que je vais résumer rapidement, comportent un corpus de réglementation,  presque aussi détaillé que celui qui régit les 613 Commandements, ce qui implique, qu’un non-juif, pour atteindre le niveau de Juste parmi les Nations, doit être parfaitement informé sur leurs modalités d’application.

De plus, la mission des juifs consiste, théoriquement, à enseigner ces sept lois, à ceux qu’ils jugent susceptibles de les appliquer.  Mais cela suppose un niveau de Torah et d’érudition que je suis loin de posséder.

Rappel rapide des lois

1/ Avoda Zara, littéralement :”au service de ce qui est étranger”. Interdiction de servir des divinités païennes. Cela comprend bien sûr le polythéisme effréné ou soft,  mais aussi l’idolâtrie envers une personne que l’on place au-dessus des autres. La notion de Avoda Zara va toutefois plus loin et enjoint à l’homme de ne pas soumettre sa vie à un vice ou un penchant qui devient le centre de son existence, jusqu’à en devenir l’esclave.

2/ Six types de relations sexuelles interdites : la mère, la femme de son père, la femme mariée selon une union publiquement reconnue, la sœur du côté de la mère, un homme, enfant ou adulte, un animal.

3/ le meurtre, ou la non assistance d'une personne en danger de mort

4/ Le rapt (kidnapping) pour obtenir une rançon et le vol  

5/ L’obligation d’instaurer un système législatif et judiciaire. Le législateur devra développer ces lois noahides, leurs cas d’application et développer une jurisprudence. Des policiers devront veiller à l’application des sanctions décidées par les juges.

6/ L'interdiction de maudire son Créateur, de jurer en prononçant son nom, en quelque langue que ce soit.

7/ L'interdiction de manger tout ou partie d’un animal qui est encore vivant, aussi petite soit-elle.

L’application scrupuleuse de ces lois, les rend quelquefois plus coercitives que les mêmes lois qui rentrent dans le cadre des 613 Mitsvots (trop long à développer) ?

Par ailleurs, je suis systématiquement choqué d’entendre un non juif déclarer : "mais moi, il me suffit d’appliquer les 10 Commandements". Notons que le 10 Commandements sont beaucoup moins exigeants que ne le sont les sept lois noahides, ce qui est tout à fait normal dans la mesure où le dix commandements sont complétés par 603 autres.

J’ai eu l’idée de traiter de ce sujet après les événements de Bombay, sans doute parce que le Rabbi de Loubavitch Z.TS.L avait coutume d’en parler et que c'est à la suite de son mot d'ordre Ouparatsta, tu t'étendras, tant géographiquement que par l'enseignement de la Torah que des Beith Habad existent. Il est dommage que pratiquement rien n’ait été dit sur tous les envoyés Habad à travers le monde et les milliers de Beith Habad qu’ils animent, dans les coins les plus paumés, pour peu que quelques juifs y habitent ou les traversent. Ma fille qui est actuellement  à Beijing n’aurait aucun contact avec la vie juive et la nourriture casher si un Beith Habad n’y fonctionnait pas.

Je crois que tous les juifs devraient manifester leur solidarité avec tous ceux qui ont péri au Beith Habad, en étudiant quelque texte qui ait un rapport avec la Hassidouth Habad et les écrits du Rabbi.